Thursday, August 18, 2005

mon nouveau travail

Le métro siffle et s’enfonce dans le noir. D’Embarcadero pour Dublin, en quelques minutes j’arrive à l’arrêt Lake Merritt. Des dizaines de chinois font du tai-chi devant leur usine, étrange vision matinale. Un peu plus loin, le collège. Hier désert, aujourd’hui une foule de gens de tous âges s’affairent. Des noirs, casquettes de travers, dents en or, chaînes autour du cou, bas enfoncé sur la tête, pantalon au milieu des fesses. Des chinoises, des infirmes, des obèses en chaises roulantes, des mères avec l’enfant qu’elles n’ont pas réussi à faire garder, un clochard avec sa valise. Tout le monde est là, en quête d’éducation. L’un pour apprendre à lire, l’autre à écrire, un autre l’arithmétique.
Après un petit passage à mon bureau. Hé oui j’ai droit à un bureau que je partage avec Judith. Celui-ci est fait de bric et de broc, une lampe cassée, pas de connexion Internet, il devrait y en avoir une, mais pas de bol, il n’y en a pas. Dans un coin, des piles de feuilles en désordre que ma partenaire d’échange a soigneusement laissé en vrac sur le sol, une poupée qui doit appartenir à sa petite fille. Les tiroirs du bureau sont pleins de serviettes en papiers, de cuillères en plastiques et de sachets de sel et de poivre, de billets de 1 dollar. Donc je saisis mes affaires, listes d’élèves et me rends, plan en main, à ma salle de classe. Les élèves sont là, ils m’attendent de pied ferme. Une liste de 30 élèves inscrits, mais il y en a d’autres qui veulent s’inscrire. Aujourd’hui, on fait les présentations au cours de rédaction anglaise de base.
Je me présente, ils essaient de dire mon nom, je leur montre où se trouve la Suisse sur une carte du monde, personne ne savait où c’est, ils sont surpris par la distance et très intéressés. Ils me posent plein de questions sur la vitesse à laquelle on peut conduire en Suisse, le prix de l’essence, ils désirent savoir si j’ai des enfants, depuis combien de temps je suis aux Etats-Unis.
J’ai été marquée par Johnny Gamez, je crois et il est du même avis que moi, que son nom est mal orthographié, cela doit être Gomez. Il est arrivé devant la classe avec sa maison, sa valise, des feuilles et de l’herbe sèche accrochée à ses habits, dégageant une odeur nauséabonde. Dans la classe, pas de bureaux, des chaises avec une tablette fixe. Les élèves s’installent, jeunes et vieux, propres et beaucoup plus sales, d’ethnies très variées. Runder, une noire handicapée de bien 150 kg doit se pencher sur une chaise à côté d’elle pour écrire, elle n’arrive pas à poser son cahier sur ses genoux. Johnny est au premier rang, il chante par moment, il es nerveux, il me dit se sentir mal intégré. On commence l’activité prévue, chacun doit aller interviewer quelqu’un dans la classe, Johnny est seul, il est vrai que son odeur est assez repoussante. Finalement une jeune noire Charonda va se dévouer et gentiment entamer une discussion avec lui. Il m’appelle à chaque fois qu’il doit écrire un mot, mais il me dit être content et sentir que les mots lui viennent. C’est touchant de voir l’énergie qu’il met à bien faire. Il a sorti une feuille sale de son sac, elle est brune là où repose son poignet.
Je dois aussi m’occuper des autres, Calvin, Precious, etc… mais ils semblent avoir du plaisir et l’on rigole bien. A la fin du cours, certains viennent me remercier et me serrer la main et l’on se dit à lundi.
Je suis touchée par ce que je vois, j'ai vraiment l'impression d'être dans un autre monde, un monde où il ne fait pas bon être coloré, où il ne fait pas bon perdre son boulot ou tomber malade et où la structure familiale n'existe plus dans certains milieux

Laney collège en chiffres

Nombre d’élèves : 27’022
Inscription par tranche d’âge :
En dessous de 15 ans 1%
16-18 8%
19-24 31%
25-29 15%
30-34 11%
35-54 26%
55-64 5%
65+ 3%

Hommes 40%
Femmes 60%

Moyenne d’âge 32

Inscription par ethnie

Noirs américains 29%
Asiatiques américains 24%
Caucasiens 20%
Philippins 3%
Hispaniques 13%
Indiens 1%
Autres 10%


Nombre d'élève par classe 30 +

Dans le collège voisin, les profs on découvert à la rentrée que leur salaire était réduit de 15%, dur dur surtout que l'an passé il l'avait également été mais que de 7%...

À part cela je découvre cette ville fantastique balayée par les vents et enveloppée de brouillard, je m'habitue à ma chambre sans lumière, au métro, et à la vision de la folie et de la misère qui y règne et je me mets sur la tête et sur les mains au cours de yoga chaque jour pour retrouver mon équilibre.

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