Thursday, August 25, 2005

soleil sur SF

San Francisco est depuis une semaine baignée de soleil, la lumière est magnifique. Il brouillard a disparu, le vent souffle, il fait frais, c'est beau à couper le souffle. Chaque coin de rue est une découverte. Un détail sur une porte, la frise d'un bâtiment, les reflets dans les vitres du Moscone Center devant lequel je passe tous les jours pour me rendre aux cours d'ashtanga. Passée la première semaine d'adaptation, tout est maintenant délice. Je savoure chaque instant passé ici avec ce sentiment que le temps va passer vite et qu’il faut que je saisisse tout, chaque carré de ciel, chaque évènement. J'adore les maisons Victoriennes, les rues larges, les collines abruptes qui donnes des visions inhabituelles, plongeantes à des endroits où l'on s'y attend le moins. L’autre jour en grimpant sur Nob Hill, je me suis surprise à observer Bay Bridge tout au bout de California Street, impressionant, les lignes des « cable cars » imprimées dans les rues les plus raides accentuent encore cet effet de vertige.

J'adore prendre le métro pour me rendre au travail, trente minutes porte à porte, c'est rapide, j'en profite pour lire ou observer discrètement les habitudes de chacun. Les asiatiques - très nombreux - ont tendance à prolonger leur nuit dans le BART (métro de SF), ils sont assis, les yeux fermés et semblent dormir... pour ma part j'aurais trop peur de louper la sortie pour le collège. D'autres déjeunent debout, mug gigantesque à la main accompagné d'un bagel tout aussi grand, d'autres lisent le SF Chronicle acheté 50 cents à l'entrée du BART . Certains ont leur vélo. J'ai d'ailleurs remarqué qu'au collège, les collègues qui viennent en vélo le prennent dans leur bureau.

Le travail est assez épuisant bien que je ne travaille qu'un maximum de trois heures par jour, mais toute cette nouveauté à ingérer c'est prenant. Le programme totalement nouveau, les niveaux différents au sein d'une même classe, le fait de se concentrer pour s'exprimer et lire en anglais tout le temps. Je dévore, les livres, les manuels scolaires, le dictionnaire, les travaux des élèves. C'est passionnant, mais aujourd'hui j'en pouvais plus, j'en avais même mal aux mâchoires.
Les élèves me touchent. Johnny le homeless continue à venir avec son baluchon, son vélo et une grosse branche d'arbre attachée au cadre de son vélo. Il s'en sert d'haltère pour garder la forme. Il est assidu au cours et il a une volonté incroyable de bien faire. Par moments très agité et inquiet malgré ses cinquante ans, il faut le rassurer. J'ai réussi à l'intégrer dans la classe et c'est vraiment génial. Vendredi, il a travaillé avec un groupe de trois femmes, ça s'est super bien passé malgré les odeurs et sa difficulté à s'exprimer. Mais son sourire, ses remerciements à la fin du cours me remplissent de bonheur. Il m'a dit se sentir confortable dans la classe et content. L'autre jour, il a tout d'un coup dit pendant le cours « Why are you leaving us, miss Nat ? » Il a fallut lui expliquer l'échange, le pourquoi du départ à la fin de l'année académique et il m'a dit de lui rappeler le jour où je partirais.
Et puis il y a les autres, Alicia. Indienne Navajo, famille brisée, deux frères sidéens en prison pour meurtre. Kawai, six frères dont 4 sont en prison, 7 soeurs. Lui-même y a fait un séjour et semble bien prêt à éviter d'y retourner. C'est touchant, triste à chialer de les écouter. En ce moment, je travaille sur le groupe, je consolide l'équipe, on fait des photos, ils écrivent, se racontent, s'écoutent, remarquent leurs différences et leurs similitudes. Un élève asiatique écrivait dans son dernier travail, "j'ai en fait une famille assez simple, dans la classe la majorité des camarades n'ont plus qu'un parent et beaucoup ont un membre de leur famille en prison." Il y a aussi Titus avec ses dents en or, sa chaîne autour du cou, lui j'ai de la peine à le comprendre, il veut bien me donner un cours de slang, mais il m'a demandé « U payin'?« Je vais y réfléchir.
En gros, les familles sont monoparentales, les enfants sont nombreux et quand le logement familial n'est plus assez grand, on va en prison. J'exagère un peu, mais ça donne un peu cette impression.
Je vais commencer un journal de classe que je vais mettre en ligne.

Sinon question vie sociale, pas grand chose pour l'instant. Je partage toujours le logement avec Jonathan, Lisa et Jorge. Pas très évident de partager la salle de bains, la cuisine, mais je m'y fais, je serre parfois un peu les dents car question hygiène les américains ce n’est pas tout à fait ça mais bon je me dis que ça fait partie de l’expérience…et puis on est tous très indépendants ce qui fait que nous nous croisons.
J'ai été invitée à une soirée filles par Victoria, une femme de Singapour rencontrée au yoga. C'était intéressant, je me suis retrouvée dans une superbe maison sur Nob Hill, avec vue sur la ville, la baie et le Golden Gate, une splendeur (quelle différence avec ma chambre sans fenêtre). C'était très international, des banquières et consultantes asiatiques, indiennes et une Américaine, ainsi qu'une journaliste d'origine italienne, la propriétaire des lieux. Elle avait préparé un festin de cuisine italienne. Mon meilleur repas depuis mon arrivée aux Etats-Unis. La discussion était assez animée, relations avec les hommes, la rencontre avec leur conjoint pour celle qui en ont un, la petite pour une des filles qui a un nourrisson. Leur travail, le mariage de Victoria en Inde en janvier (son fiancé est indien). Je ne suis pas très habituée à ce genre de soirées nanas, ça causait à bâtons rompus et je suis repartie en taxi épuisée et les zygomatiques en compote.

Ce week-end, je suis allée à Marin County. Il faisait un temps magnifique, traversée du Golden Gate, Sausalito, Mills Valley puis Muir Beach. Le pacifique et les vagues. Des familles déjeunaient sur la plage. Des enfants faisaient du bodysurf. Un bol d’air, d’odeurs d’eucalyptus et de pins maritimes cela m’a fait du bien.

Thursday, August 18, 2005

mon nouveau travail

Le métro siffle et s’enfonce dans le noir. D’Embarcadero pour Dublin, en quelques minutes j’arrive à l’arrêt Lake Merritt. Des dizaines de chinois font du tai-chi devant leur usine, étrange vision matinale. Un peu plus loin, le collège. Hier désert, aujourd’hui une foule de gens de tous âges s’affairent. Des noirs, casquettes de travers, dents en or, chaînes autour du cou, bas enfoncé sur la tête, pantalon au milieu des fesses. Des chinoises, des infirmes, des obèses en chaises roulantes, des mères avec l’enfant qu’elles n’ont pas réussi à faire garder, un clochard avec sa valise. Tout le monde est là, en quête d’éducation. L’un pour apprendre à lire, l’autre à écrire, un autre l’arithmétique.
Après un petit passage à mon bureau. Hé oui j’ai droit à un bureau que je partage avec Judith. Celui-ci est fait de bric et de broc, une lampe cassée, pas de connexion Internet, il devrait y en avoir une, mais pas de bol, il n’y en a pas. Dans un coin, des piles de feuilles en désordre que ma partenaire d’échange a soigneusement laissé en vrac sur le sol, une poupée qui doit appartenir à sa petite fille. Les tiroirs du bureau sont pleins de serviettes en papiers, de cuillères en plastiques et de sachets de sel et de poivre, de billets de 1 dollar. Donc je saisis mes affaires, listes d’élèves et me rends, plan en main, à ma salle de classe. Les élèves sont là, ils m’attendent de pied ferme. Une liste de 30 élèves inscrits, mais il y en a d’autres qui veulent s’inscrire. Aujourd’hui, on fait les présentations au cours de rédaction anglaise de base.
Je me présente, ils essaient de dire mon nom, je leur montre où se trouve la Suisse sur une carte du monde, personne ne savait où c’est, ils sont surpris par la distance et très intéressés. Ils me posent plein de questions sur la vitesse à laquelle on peut conduire en Suisse, le prix de l’essence, ils désirent savoir si j’ai des enfants, depuis combien de temps je suis aux Etats-Unis.
J’ai été marquée par Johnny Gamez, je crois et il est du même avis que moi, que son nom est mal orthographié, cela doit être Gomez. Il est arrivé devant la classe avec sa maison, sa valise, des feuilles et de l’herbe sèche accrochée à ses habits, dégageant une odeur nauséabonde. Dans la classe, pas de bureaux, des chaises avec une tablette fixe. Les élèves s’installent, jeunes et vieux, propres et beaucoup plus sales, d’ethnies très variées. Runder, une noire handicapée de bien 150 kg doit se pencher sur une chaise à côté d’elle pour écrire, elle n’arrive pas à poser son cahier sur ses genoux. Johnny est au premier rang, il chante par moment, il es nerveux, il me dit se sentir mal intégré. On commence l’activité prévue, chacun doit aller interviewer quelqu’un dans la classe, Johnny est seul, il est vrai que son odeur est assez repoussante. Finalement une jeune noire Charonda va se dévouer et gentiment entamer une discussion avec lui. Il m’appelle à chaque fois qu’il doit écrire un mot, mais il me dit être content et sentir que les mots lui viennent. C’est touchant de voir l’énergie qu’il met à bien faire. Il a sorti une feuille sale de son sac, elle est brune là où repose son poignet.
Je dois aussi m’occuper des autres, Calvin, Precious, etc… mais ils semblent avoir du plaisir et l’on rigole bien. A la fin du cours, certains viennent me remercier et me serrer la main et l’on se dit à lundi.
Je suis touchée par ce que je vois, j'ai vraiment l'impression d'être dans un autre monde, un monde où il ne fait pas bon être coloré, où il ne fait pas bon perdre son boulot ou tomber malade et où la structure familiale n'existe plus dans certains milieux

Laney collège en chiffres

Nombre d’élèves : 27’022
Inscription par tranche d’âge :
En dessous de 15 ans 1%
16-18 8%
19-24 31%
25-29 15%
30-34 11%
35-54 26%
55-64 5%
65+ 3%

Hommes 40%
Femmes 60%

Moyenne d’âge 32

Inscription par ethnie

Noirs américains 29%
Asiatiques américains 24%
Caucasiens 20%
Philippins 3%
Hispaniques 13%
Indiens 1%
Autres 10%


Nombre d'élève par classe 30 +

Dans le collège voisin, les profs on découvert à la rentrée que leur salaire était réduit de 15%, dur dur surtout que l'an passé il l'avait également été mais que de 7%...

À part cela je découvre cette ville fantastique balayée par les vents et enveloppée de brouillard, je m'habitue à ma chambre sans lumière, au métro, et à la vision de la folie et de la misère qui y règne et je me mets sur la tête et sur les mains au cours de yoga chaque jour pour retrouver mon équilibre.

Sunday, August 14, 2005

Descente dans le sud

Il fait soudain plus chaud lorsque l'on quitte San Francisco, on traverse les vergers de la Californie, les routes semblent poussiéreuses, les collines râpées, les Mexicains s'affairent dans les cultures. La route qui mène à Santa Monica est longue, tour à tour RVs, semi-remorques rutilants, pick-ups délabrés filent sur le freeway, la route est longue. Mais quel changement, Santa Monica et ses femmes transformées, siliconées, manucurées. Santa Monica ses promenades et ses jolies façades. Santa Monica et ses pelouses proprettes, ses magnifiques palmiers, ses écoles de yoga à chaque coin de rue. La température y est clémente, on se retrouve enfin au mois d'août, on ose se remettre en jupe et les pieds à l'air.
Les clochards eux aussi semblent être plus propres, comme si on leur avait donné des habits pour ne pas qu'ils fassent trop tâche dans le paysage. J'en ai même vu un qui portait des chaussettes blanches.
A chaque jour son lot de découverte, hier je suis retournée à Venice Beach, un monde en soi. On tourne un film, des babas aux dread-locks et au look bien sale jouent sans conviction sous des projecteurs puissants. A quelques mètres, un homme semblant revenir de Woodstock vend de la sauge, le visage bronzé, les vêtements sales et les cheveux blonds en bataille. Plus loin encore un noir musclé tient l’assemblée en haleine. Il vient de saisir une chaise pliante ; sur laquelle est assise une jeune fille de douze ans ; et maintenant il place un des pieds de la chaise dans sa bouche, et oh surprise, il tient fille et chaise en équilibre dans sa mâchoire…
Les vendeurs font des affaires et vendent chapeaux de cowboy en paille, strings, cds de musique des Andes, nourriture, et vêtements de toutes sortes.
Des policiers en vélo patrouillent sur la promenade. Sur la plage, ils évoluent en quad et en jeep, l’activité est intense et à tout moment les sirènes nous indiquent qu’il vient de se passer quelque chose.
Sur la plage, un peu plus loin c’est une autre faune, les surfeurs côtoient les nageurs, enfin presque car la lifeguard, s’empresse de les séparer à coup d’hygiaphone. Chacun doit évoluer dans la zone qui lui est attribuée et rien ne la fera contrevenir à la règle. L’eau du Pacifique est étonnamment chaude, elle doit faire environ 24 degrés, mais elle n’a pas l’air très propre.
Santa Monica, vit à l’heure du yoga. Chacun, va ou revient d’un cours de yoga, le tapis à l’épaule, affublé de pantalons Lululemon et de chaussures confortables. Les cours sont bondés, les tapis sérés et l’on travail ruisselant dans la chaleur des studios, la tête dans les pieds du voisin faisant attention de ne pas se toucher en faisant la salutation au soleil. Le niveau est impressionnant, les gens semblent impliqués, et assidus. Pas de douche à la fin du cours, pas l’infrastructure, chacun repart sur son petit nuage pour se doucher à la maison.
A tout bientôt, dès demain c’est le retour à SF et lundi le début du travail

Monday, August 08, 2005

San Francisco

Le vent souffle sans cesse déplaçant les mille et uns
papiers et détritus qui jonchent les rues, balayant la
misère, gerçant les visages rougis des clochards et
des fous qui hantent la ville. Femmes, hommes,
mixtures des deux, travestis n’ayant pas eu les moyens
de finir les travaux, la vision de tous ces gens en
perdition est effrayante. J’étais à Bombay l’été
passé, la misère était là, mais ici c’est ce mal être,
cette folie humaine qui choque. Au détour d’un
bâtiment, dans le vent glacial, un homme danse à
moitié nu dans un maillot de danse, la chevelure en
bataille il saute, hurle, et creuse entre les
interstices du trottoir afin de ramasser de ses doigts
sales des mégots. Plus loin, un homme noir dort
recroquevillé sur un pas-de-porte, le pantalon sur les
genoux, la bouche ouverte. Un travesti sans dents, la
teinture des cheveux passée de plusieurs années, la
peau criblée de cicatrices et de boutons, le sac à
main rose et les bras poilus. Hier, j’ai pris la
décision d’éviter les zones les plus touchées de la
ville, j’en ressortais cassée, triste, et désemparée.
Alors je me suis orientée vers le Pacifique, vers les
vagues. Des voiliers couchés par le vent régataient
dans la baie, les lions de mer se prélassaient sur les
pontons en grognant et des milliers de touristes
découvraient les beautés de San Francisco.

La chambre trouvée sur internet, avec vue sur un mur
dans une de ces petite maison Victorienne de Castro
street manque décidément de lumière. Je vais m’en
chercher une autre d’ici peu. Castro,le paradis homo
de SF, les femmes se font rares, les hommes
s’enlacent, et se cherchent. Le quartier est sympa,
vivant et quand le centre de San Francisco est
enveloppé par un nuage de brouillard, Castro brille
sous un soleil radieux.

Aujourd’hui, je suis allée à Oakland, 30 minutes
porte-à-porte de chez moi avec le BART, c’est top. Le
collège est devant la station de métro. J’ai rencontré
des profs, et la doyenne. Ils sont tous assez sympa.
J’ai un bureau avec la vue sur le lake Merritt, c’est
très beau. Le climat de l’est de la baie est beaucoup
plus doux qu’à SF. Je me réjouis de commencer à
travailler.

Thursday, August 04, 2005

L'arrivée aux Etats-Unis

quelques nouvelles du front. Voici 6 jours que je suis
sur le sol américain et cela se passe plutôt bien.
J’ai quelques difficultés évidemment avec leur manière
exagérément positive de voir les choses, tout à l’air
de toujours aller si bien, trop bien, tout à toujours
l’air d’être merveilleux, vous êtes le héro du jour,
le prof de l’année, le meilleur de ceci ou de cela, un
peu agaçant, mais bon… quand cela me pompe trop, je
m’éclipse et vais me boire un jus odwalla au bistrot
d'en face ou me vautrer au bord de la piscine avec un
bon bouquin.
Nous allons (tous les profs du monde entier comme moi
en échange dans ce merveilleux pays) de séminaire en
séminaire où nous apprenons comment nous comporter
face aux élèves américains. Le gouvernement américain
vient d’édicter une nouvelle loi : « no child left
behind », et donc malgré l’augmentation constante des
élèves dans les classes (on en est à plus de 30 par
classe), le prof doit faire une pédagogie
différenciée, adaptée afin que chacun des lulus de la
classe passe son année. Sans quoi les qualifications
de l’école tombent et alors là attention !!!
Les séminaires sont de qualité et les prestataires ont
beaucoup d’humour ce qui est assez agréable.
En dehors de ça, chacun vaque à ses occupations,
essaie de régler les derniers problèmes, la
dératisation de la propriété en Caroline du sud, les
frais de déneigement dans l’Illinois, les frais
d’installation d’un nouveau câble dans l’Oklahoma,
l’achat d’une voiture en Californie.
D’autres sont arrivés avec des valises de livres et
s’échangent ces denrées rares avec beaucoup de
sérieux.
Pour ma part, je passe mon temps à chercher Brenda qui
n’a toujours pas de logement, pas de billet d’avion
pour aller de Frankfort à Genève, et qui n’a pas
encore inscrit sa fille au collège et qui j'oubliais
ne parle pratiquement pas français.
Bon plus qu’une journée avec ces gens charmants qui se
font tous des compliments à tour de bras et je file
vers SF et Castro street.
Je me sens bien, et me réjouis de cette nouvelle
aventure. J’adore me balader dans rues, observer les
gens et je savoure le moment présent.